mardi 27 décembre 2011

Le trésor d'antoniniens de Massongex


Le trésor d’antoniniens de Massongex (canton du Valais, en Suisse), une étonnante découverte.
Alain Besse



Cet article a paru dans la Revue historique du Mandement de Bex, No XLII, 2009. (Plus d'infos tout à la fin). Il est suivi d’un développement publié en 2010.
NB Pour la commodité les notes sont reportées au bas de l'article.


Début juillet 2008, lors d’une visite des fouilles archéologiques en cours à Massongex, le jeune bellerin Estéban Piaget, 8 ans, a eu la main heureuse. Il ramassa sur les déblais lavés par la pluie un agrégat constitué de 5 monnaies romaines en argent. Des antoniniens alignés en pile ou rouleau (à l’instar du trésor de Bex-Sous-Vent) et collés les uns aux autres depuis l’Antiquité.

La trouvaille provient du site antique de Massongex/Tarnaiae (1). Son contexte archéologique demeure bien maigre. Le trésor (2) (complet ou fragmenté) provient de la couche de terre superficielle, remuée par les cultures, qui couvre les ruines. Le soigneux décapage du niveau d’apparition des vestiges romains entrepris à la pelle mécanique, sous la surveillance des archéologues, l’amena enrobé de terre à la surface du déblai. Quelques pluies suffirent à le remettre au jour. Le contrôle des déblais au détecteur de métaux n’a pas livré d’autres monnaies ou bijoux. Faute de moyens, le secteur nord-ouest qui révéla la trouvaille monétaire n’a pas été fouillé et fut remblayé. Un petit sondage découvrit la présence sous-jacente des ruines d’une salle romaine dotée d’un système de chauffage par hypocauste (3).




















Vues de la trouvaille d'antoniniens de Massongex.
Dans l’Antiquité, ces monnaies furent altérées par une très forte chaleur (4) (feu, incendie, foudre ?) et se soudèrent partiellement entre elles. Puis elles disparurent et s’oxydèrent jusqu’à ce qu’Estéban Piaget les trouve. Dans l’état (5), nous identifions une monnaie de Philippe I (244-249) ; une de Trajan Dèce (249-251) et une de Gallien (253-268). L’antoninien de Gallien fut frappé en Gaule, à Trèves ou Cologne en 257-258 après J.-C. Les deux monnaies restantes ne sont pas identifiables sans procéder à la séparation des pièces. Leurs alliages similaires aux autres monnaies de la trouvaille, riches en argent, militent en faveur d’une datation haute. Car, passé l’année 260, Gallien fit émettre ses antoniniens dans un alliage de billon très appauvri en argent et facilement reconnaissable. Soyons prudents toutefois, car l’usurpateur Postume (6) poursuivra l’émission d’antoniniens de bon aloi. Nous retenons que le terminus post-quem des émissions monétaires identifiées de la trouvaille de Massongex remonte à 257-258 après J.-C. Cette date est fort proche de 259 à juin/juillet 260 après J.-C., le terminus post-quem du trésor voisin de Bex-Sous-Vent (trouvé de l’autre côté du Rhône, à l’est, à moins de 830 mètres à vol d’oiseau). Ainsi, le petit trésor d’antoniniens de Massongex pourrait peut-être aussi se rattacher à la vague de dépôts résultants des invasions alamanes de l’été 260. Il s’inscrit en tous les cas au rang des nouvelles découvertes archéologiques qu’Yves Mühlemann appelait de ses vœux dans sa conclusion sur le trésor de Bex-Sous-Vent.

Ce rebond mérite une étude plus approfondie. Nous vous proposerons ses résultats dans la revue 2010.
Notes :
1. Pour un état des découvertes faites à Massongex, consultez l’article Massongex-Tarnaiae à l’époque antique de François Wiblé dans la Revue historique du Mandement de Bex, 1994, pages 34 à 57.
2. En archéologie, on nomme trésor une découverte comportant au moins deux monnaies qui étaient ensemble lorsqu’elles ont été mises au jour.
3. Ingénieux système de chauffage de chambres entières par la circulation d’air chaud sous le sol et dans les parois.
4. Les déformations, des boursouflures et des cratères témoignent que la chaleur d’au moins 800° C. mena le métal a un état pâteux, atteignant même sur quelques bords la liquéfaction.
5. Rappelons que les monnaies de la trouvaille n’ont pas été séparées et qu’elles nous sont parvenues passablement altérées par le feu. Nous remercions M. Mühlemann d’avoir confirmé notre identification pour Gallien et de nous avoir apporté les reconnaissances de la pièce de Philippe I et de celle de Trajan Dèce.
6. Postume était avec le futur empereur Aurélien un des principaux lieutenants de l’empereur Gallien. Il s’illustra sur la frontière du Rhin et fut proclamé par ses troupes premier « empereur des Gaules ». Il régna de juin/juillet 260 à juin 269. L’« Empire des Gaules » subsista jusqu’en février/mars ou en été 274.


NB consultez les sommaires des publications de l'Association du Mandement de Bex sur le site : <www.mandementdebex.ch>
Des exemplaires de la revue 2009 peuvent-être commandés directement à l'auteur à l'adresse : <ciel&terre@bluewin.ch> au prix de 10 CHF + port.

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